28 avril 2011

Projet éducation aux droits humains en Afrique: une année de réalisations au profit des populations


Le 23 décembre 2010, au Lycée Technique Amical CABRAL (LTAC), la cérémonie de remise des prix du concours littéraire sur les droits de l’enfant en milieu scolaire battait son plein à Tabtenga, dans la périphérie est de la ville de Ouagadougou. Cette activité marquait également la fin de la première année de mise en œuvre des micro projets au Burkina Faso. Elèves, parents, enseignants, surveillants, chefs d’établissements et invités ont, par leur présence massive, soutenu les jeunes lauréats pour la qualité de leurs œuvres.

Les Lauréats du concours littéraire
Une dizaine de vedettes de la musique burkinabè ont, à leur tour, soutenu et encouragé la promotion et la protection des droits des filles-mères et des filles enceintes en milieu scolaire. Ils ont, de façon bénévole, livré un spectacle des grands jours au profit de la jeunesse qui n’oubliera pas de sitôt cette cérémonie grandiose dans les annales de leur école. Trois heures durant, les jeunes ont, esquissé des pas de danse endiablés et chanté en chœur avec leurs idoles préférées.


Le JEDH revient sur les grandes réalisations du Projet éducation aux droits humains en Afrique au profit des populations au Burkina Faso.

Le bilan annuel des micro projets est élogieux au regard des changements qui s’opèrent dans les communautés bénéficiaires. Sur le double plan quantitatif et qualitatif, il convient de préciser qu’en une année, 16265 personnes ont amélioré leur niveau de compréhension des droits humains (droits des enfants, droits des femmes, droits des personnes âgées, droits des personnes handicapées notamment). Dans les localités où nous sommes intervenu-es, les populations nous ont accueilli-es dans la pure tradition africaine : cadeaux symboliques, chants et danses, salves des guerriers traditionnels et même des haies d’honneur pour nous escorter jusqu’à la place publique.

Troupe warba de Boussé
Au-delà de ces cérémonials exprimant la reconnaissance des communautés au travail d'Amnesty International, c'est la réceptivité et l'adhésion des populations aux micro projets qui nous a le plus impressionnés. Les communautés se sont fortement mobilisées pour acquérir les informations et les connaissances qui vont leur permettre de revendiquer leurs droits. Les leaders communautaires, les autorités locales, les responsables des organisations de femmes et de jeunes et les acteurs sociaux ont pris une part active dans la réalisation des activités des micro projets communautaires.

1.    L’Engagement de sa Majesté le Mogho Naaba
Sa Majesté le Mogho Naaba s’est personnellement investi dans la sensibilisation des populations pour le respect des droits humains dans les communautés. Il ne cesse d’apporter son soutien au Projet éducation aux droits humains en Afrique. Pour sa Majesté, Amnesty International fait un travail formidable pour la stabilité et la paix sociale au Burkina Faso. C’est la raison pour laquelle le Chef suprême des Mossi a mis à la disposition du Projet deux de ses chefs coutumiers afin qu’ils participent à l’éducation des populations sur leurs droits et devoirs dans les communautés.

Visite de courtoisie à sa Majesté
Les deux représentants de sa Majesté le Mogho Naaba ont fait un travail remarquable dans l’éveil des consciences dans les communautés. Grâce à la force de leur plaidoyer, des changements importants s’opèrent dans les communautés ciblées.

A Tanghin Dassouri, ils ont obtenu le retour de deux filles précédemment chassées de leurs familles pour avoir contracté des grossesses avant leurs mariages en invoquant le droit de chaque enfant à une famille.

A Boussé, ils ont réussi à interdire les pratiques du 'Siongo' et du 'Zangogo' permettant de sauver ainsi la vie à trois femmes accusées de sorcellerie, au nom de la sacralité de la vie humaine et du droit de chaque citoyen à une justice indépendante et impartiale.

A Pabré, leur intervention a permis la création de cellules d’alerte de la gendarmerie pour préserver le droit à l’intégrité physique et morale des enfants victimes de l’excision et des mutilations génitales féminines. A Koubri, le chef s’est personnellement investi dans la défense du droit à l’éducation des filles en interdisant le mariage précoce des filles scolarisées sur l’ensemble de son territoire.

2.    Le dynamisme des mères éducatrices
A Fada N’Gourma, les mères des élèves issus des six écoles primaires ciblées par le micro de lutte contre la déperdition scolaire des filles ont, à la suite des sketches de sensibilisation, pris l’initiative de créer des Associations des Mères Educatives (AME) pour suivre le travail de leurs filles à l’école. 


Une mère éducatrice à Fada
Les mères ont compris qu’elles peuvent aider leurs filles à réussir à l’école en les chargeant avec moins de travaux domestiques. Ce qui permet leur permet de dégager un temps substantiel pour les révisions et les exercices de maison. Avec les AME, elles sont plus proches des filles, elles arrivent à suivre leur comportement et leur rendement à l’école. Les mères éducatrices sensibilisent les acteurs de l'éducation en vue de lever les entraves physiques, sociales, économiques et culturelles qui empêchent la scolarisation et le maintien des jeunes filles à l'école dans la région de l'Est.

3.    La régularisation des couples vivant en concubinage
Dans la région du nord, le renforcement des capacités des femmes leaders a permis de convaincre une dizaine de femmes à régulariser leurs situations matrimoniales. Grâce à l’intervention des femmes leaders auprès des autorités de la commune de Ouahigouya, une centaine d’enfants défavorisés ont pu obtenir des jugements supplétifs d’acte de naissance.
Grâce à ces documents administratifs, ces enfants peuvent revendiquer leur droit à l’identité. Ils permettent également de lutter contre le trafic des enfants et le mariage précoce des filles. Toujours dans la région du nord, 11 couples qui vivaient en concubinage, depuis de nombreuses années, se sont officiellement mariés devant le 1er adjoint au maire de Ouindigui le 19 juin 2010 dans la province du Loroum.


Mariage de 11 couples à Ouindigui
Ces deux micro projets ont contribué à l’amélioration de la compréhension des bénéficiaires sur les droits des personnes et de la famille. Le mariage civil protège les femmes et les enfants en cas de décès du père de famille dans le ménage. Les familles qui participent aux différences séances de sensibilisation savent à présent que la jouissance des droits humains peut avoir un impact qualitatif sur leur vécu quotidien. C'est cette prise de conscience individuelle et collective qui traduit le changement qualitatif que nous observons dans ces communautés.

4.    La mobilisation des jeunes scolaires
Les jeunes se sont massivement mobilisé-es pendant les activités des micro projets. Ils ont participé activement aux échanges et apporté des contributions appréciables dans la mise en œuvre des droits de l’enfant en milieu scolaire. Ils ont dénoncé les violences qu’ils subissent à l’école et souhaité que nous puissions les aider à mieux connaître leurs droits pour mieux les défendre. Pour les jeunes, on ne peut défendre valablement un droit que si l’on est informé de son existence et des mécanismes pour y recourir. ‘Si nous connaissons nos droits, personne ne pourra les piétiner. Nous saurons nous organiser pour que nos droits soient respectés’, disent-ils. Ils remercient Amnesty International pour avoir pensé à eux en initiant ce projet révolutionnaire qui leur permet aujourd’hui de connaître leurs droits.


L'artiste Alif Naaba face aux jeunes
Dans de nombreuses écoles, les jeunes proposent la création des Clubs EDH qui seront chargés de réaliser des activités en droits humains au profit des élèves qui veulent connaître leurs droits. Pour les questions relatives aux atteintes à leurs droits en milieu scolaire, les jeunes demandent la mise en place de points focaux à qui ils pourront se confier. A Bobo-Dioulasso, les élèves du Lycée Municipal Mollo Sanou ont crée une troupe de théâtre forum pour sensibiliser les acteurs de l'éducation sur les violences faites aux enfants en milieu scolaire.

5.    Le Combat des femmes
Les femmes se sont distinguées par leur engagement à se battre pour exiger le respect de leurs droits. Les femmes que nous avons rencontrées dans les communautés attendent de nous le renforcement de leurs capacités en droits afin de s’autonomiser sur le plan juridique car elles sont désarmées face aux hommes, impuissantes devant les coutumes et sans voix face aux torts subis. Pour elles, les droits humains ne pourront les aider à améliorer leurs quotidiens que lorsque, par les informations et les connaissances apprises, elles arrivent à faire valoir droits auprès des hommes.


La responsable de la troupe
des femmes de Boussé
Pour nous femmes, le respect de nos droits passe par le respect de notre personne et de notre dignité : « …nous sommes des êtres humains comme les hommes même si pendant longtemps la tradition et la coutume ont fait de nous des moins que rien. Notre dignité a été bafouée le jour de notre naissance où on annonce à nos parents que notre sœur vient de mettre au monde une étrangère en jetant à l’arrière-cour de notre père une poule. A la naissance d’un garçon, le rituel est tout différent, on envoie un émissaire remettre à notre père un coq bien dodu lui annonçant par cette symbolique que sa fille vient de mettre au monde un guerrier», a dit la responsable de la troupe des femmes de Boussé.

Le changement de mentalité n’interviendra que si les hommes acceptent, par la sensibilisation ou par la rigueur de la loi, l’égalité des droits entre les sexes. Dans de nombreuses communautés, les hommes acceptent difficilement de reconnaître les droits de leurs femmes. Il nous faudra user de tous les moyens pour amener les hommes à se convaincre de cette évidence, prélude à l’émancipation politique, économique et sociale des femmes.

6.    Le Réseautage
Les participant-es au Projet éducation aux droits humains en Afrique se sont constitué-es en réseau au Burkina Faso. Ce réseau vise à accroître le niveau de compréhension des populations sur leurs droits à travers des activités de renforcement des capacités et de sensibilisation (causeries-débats, conférences publiques, émissions radio et télé, théâtre forum….)

Conférence de presse du réseau
Le réseau jouit d’une autonomie financière dans la recherche des ressources indispensables à la réalisation de ses objectifs indépendamment du soutien financier du Projet éducation aux droits humains en Afrique au Burkina Faso.

Le réseau des éducateurs en droits humains (REDH BURKINA FASO) est une coalition des activistes issu-es des organisations œuvrant dans le domaine de l’éducation aux droits humains. Il est présidé par Alassane KERE, journaliste à Sidwaya, pour un mandat d’une année renouvelable une fois. Cliquez surhttp://lejournaledh.blogspot.com/2011/05/un-reseau-pour-leducation-aux-droits.html

7.    Les Difficultés du terrain
Lors de la mise en œuvre des micro projets dans les communautés, nous nous sommes heurté-es à la dure réalité du monde rural où les mentalités ont du mal à s’accommoder avec les valeurs des droits humains. La tâche à accomplir dans les localités de l’hinterland reste immense. Là, les populations attendent des activistes et des promoteurs du projet des mesures concrètes pouvant les aider à résoudre les problèmes sociaux et économiques auxquels elles sont confrontées. Dans les villages reculés où nous avons séjourné, de nombreuses familles continuent de boire de l’eau provenant des mares ou des marigots faute de forages.

Le Chef de Bouboulou
A Bouboulou, village situé à une vingtaine de kilomètres de Yako, Province du Passoré, le chef nous a confié que la vraie sorcellerie dans leur village était la mauvaise qualité de l’eau qui pose des problèmes de santé aux populations. Même son de cloche à Toéssin dans le département de Rollo, Province du Bam, à la lisière du Sahel burkinabè, où les populations vivent dans la détresse consécutive au manque d’eau. Le point d’eau le plus proche se trouve à plus de 17 kms du village. Les femmes quittent leurs domiciles dès 4 heures du matin pour aller à la recherche du précieux liquide.Le droit à l’eau potable est un droit humain pour lequel nous devons apporter des réponses concrètes. C’est pourquoi nous demandons aux autorités locales et aux organismes intervenant dans le domaine du développement communautaire de tout mettre en œuvre pour garantir l’effectivité des droits sociaux et économiques aux populations les plus fragilisés vivant dans les communautés les plus reculées du Burkina Faso.


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