25 mai 2011

Droits successoraux des veuves et orphelins: Anaic sensibilise les populations du Loroum et du Bam

A la faveur de la mise en œuvre du Projet éducation aux droits humains en Afrique au Burkina Faso, les populations des provinces du Loroum et du Bam bénéficient, depuis janvier 2010, d'un micro projet de promotion des droits successoraux des veuves et orphelins. Les communautés vivant dans les villages de Syllia, Rounga, Toessin et Lourfa dans les communes urbaines et rurales de Titao et de Rollo en sont les principaux bénéficiaires.
Consultation des groupes cibles à Titao

Le 18 août 2009, les groupes cibles que nous avons consultés, ont identifié les violations des droits successoraux des veuves et orphelins comme étant les problèmes clés de droits humains auxquels sont confrontés les femmes et les enfants dans la plupart des familles. Parmi les solutions envisagées pour venir à bout de ce problème,  les sondé-es ont souhaité que le Projet éducation aux droits humains en Afrique procède à la vulgarisation des droits des veuves et orphelins dans les communautés ciblées.

Les problèmes de succession, faut-il rappeler, sont légion dans la zone du nord. Les femmes et les enfants sont brimés dans la répartition de l'héritage au profit des membres de la famille du défunt. En règle générale, c'est la loi islamique qui sert de référence dans le partage des biens. Elle stipule que 130 jours après le décès d'un homme, ses biens sont redistribués aux membres de sa famille. Les parents et les enfants du défunt se partagent les 7/8 des biens de la façon suivante: les 7/8 des biens sont divisés en quatre parts égales. Les enfants se partagent les 3/4 des biens et le 1/4 restant revient aux parents (père et mère) du défunt. Il faut noter que parmi les enfants, la part réservée aux garçons est le double de celles filles. Les filles sont ainsi discriminées car considérées comme des étrangères. Un jour ou l'autre, elles seront amenées à rejoindre la famille de leurs maris. Les jeunes garçons restent dans la famille de leur père et bénéficient à ce titre d'un traitement préférentiel dans la répartition de l'héritage.

Dans d'autres familles, c'est la loi coutumière qui est appliquée: les enfants héritent des biens de leur père et les parents des biens de leur fils. Selon les coutumes, la femme n'a pas le droit d'hériter des biens de son mari tout comme l'homme ne peut hériter des biens de sa femme.  Au décès de la femme, ses enfants sont priés de retirer de l'héritage tous les biens appartenant à leur mère. Les biens appartenant à la défunte sont ramenés à sa famille par ses tantes et ses sœurs.

Selon la coutume dans ces localités, trois mois après le décès, la famille se réunit pour faire l'inventaire des biens et dettes laissés par le défunt. Cet inventaire est réalisé par les cousins du défunt. Tout ce qui appartient au défunt est recensé (cheptel, argent, habits, femmes, enfants, dettes, vélo, champ....). Les petits frères et les parents du défunt se partagent les biens, les dettes, les femmes et enfants. Les enfants se partagent les biens les plus importants de leur défunt père (les garçons ont droit à 2/3 des biens et 1/3 revient aux filles).

Depuis l'adoption du Code des personnes et de la famille, les coutumes ne sont plus habilitées à régler les problèmes de succession. C'est la justice qui traite des cas de litiges et conflits de succession sur la base du Code (Cf Article 1066 du Code). 
Séance d'IEC/CC sur les droits successoraux à Toessin

Les veuves et les orphelins sont discriminés voire spoliés car les familles continuent de régler les litiges nés des successions aidées en cela par l'absence des pièces attestant du statut d'ayant-droits légitimes pour succéder au défunt. Dans la plupart des familles, les couples ne sont pas légalement mariés, les enfants ne sont pas enregistrés à la naissance, les biens ne sont pas certifiés par des actes administratifs. En cas de décès du père de famille, la justice ne peut être saisie. Les veuves et les orphelins assistent impuissants à la spoliation des biens par la famille du défunt. 

Pour jouir des droits successoraux, il faut impérativement que le conjoint survivant (CS) soit légalement marié. Si la femme et l'homme ne sont pas légalement mariés, en cas de décès de l'un des deux conjoints, l'autre ne peut en aucun cas prétendre à sa succession. Quant aux enfants, il faut que la preuve de leur filiation au défunt soit établi par un acte de naissance.

Pour réduire les tensions entre les familles relatives aux conflits de succession dans les villages de la zone de Titao et de Rollo, Anaic a entrepris, avec le soutien d'Amnesty International, à travers le Projet éducation aux droits humains en Afrique, de mener des séances d'information, d'éducation, de communication en droits humains afin d'accroître le niveau de connaissance et de compréhension des populations sur les droits des veuves et orphelins. 
Le Président d'Anaic expliquant les droits successoraux à Lourfa

Eu égard à la sensibilité des populations en raison des pesanteurs sociales et culturelles, Anaic a commencé par la formation des autorités administratives et politiques, des leaders coutumiers et religieux, des  responsables des associations féminines et organisations de jeunes. 56 personnes ont ainsi renforcé leurs capacités sur les droits successoraux des veuves et orphelins. Plus de 22 séances d'IEC/CC ont été réalisées parfois au-delà des quatre localités ciblées pour atteindre le maximum de personnes. Au total, ce sont plus de 5973 personnes qui ont ainsi été informées et sensibilisées sur les droits successoraux des veuves et orphelins.

Étant donné le lien très étroit entre la jouissance des droits successoraux et la possession des actes de l'état civil (acte de naissance, certificat de mariage, certificat de décès, certificat de propriété...) les populations ont compris l'importance de ces pièces d'état civil et elles se sont inscrites lors de l'opération d'établissement des cartes nationales d'identité à Toessin et à Lourfa. 

Mariage de 11 couples à Ouindigui
Plus de 400 personnes se sont vu délivrer des cartes nationales d'identité à Toessin et à Lourfa. 11 couples ont pu régulariser leurs situations matrimoniales en procédant à la célébration de leur mariages à la Mairie de Ouindigui le 19 juin 2010.

Grâce à la mise en œuvre du micro projet, ce sont plus de 6029 personnes qui ont renforcé leurs connaissances et compétences sur les droits des veuves et orphelins et acquis des informations utiles qui vont les aider à lutter contre les injustices, les violences et les discriminations à l'égard des femmes et des enfants en matière de succession. Anaic a tenu le pari de sensibiliser les populations sur leurs droits successoraux en dépit de fortes résistances des dignitaires religieux de la localité. Certains parmi eux, commencent à appliquer les dispositions du Code des personnes et de la famille en matière successorale, comme les deux imams de Rounga et Toessin.

18 mai 2011

Droits des personnes et de la famille: les femmes leaders de la région du nord renforcent leurs capacités

Mme Constance Sawadogo, formatrice
Dans le cadre de la mise en œuvre des activités du Projet éducation aux droits humains en Afrique, une dizaine de femmes leaders de la région du nord bénéficient du renforcement des capacités sur les droits des personnes et de la famille.  

Ce micro projet est consécutif aux échanges fructueux que nous avons eus avec les leaders féminins du nord, lors des consultations participatives du 29 août 2009. Les femmes leaders nordistes nous avaient exprimé le besoin de renforcer leurs capacités sur les droits des femmes et des enfants. Elles ont pour ambition de s’approprier les droits des personnes et de la famille afin de mieux sensibiliser les acteurs et groupes sociaux dans leurs communautés. Le micro projet que nous avons élaboré à cet effet a été financé par UKaid et Amnesty International et vise à donner aux populations défavorisées les moyens de revendiquer, par leurs propres actions, leurs droits dans la communauté. 

1. Qui sont les femmes leaders de la région du nord ?
Les femmes leaders de la région du nord, regroupées au sein de la Coordination Communale des Femmes de Ouahigouya (CCFO), œuvrent inlassablement au bien-être familial à travers des activités de formation, de sensibilisation et de plaidoyer sur les droits des femmes et des enfants. La Coordination compte en son sein 141associations et groupements féminins œuvrant dans les domaines de l’éducation, de l’alphabétisation, de la santé, de l’agroalimentaire et de l’élevage ovine et bovine…
Mme Bibata Ouédraogo, Présidente de la COFO

Présidée par Mme Bibata Ouédraogo, la Coordination Communale des Femmes de Ouahigouya compte à son actif plusieurs réalisations entrant dans la promotion et la protection des droits des femmes et des enfants comme la régularisation des régimes matrimoniaux des femmes vivant en concubinage, l’établissement des pièces d’état civil au profit des enfants défavorisés, l’appui conseil aux femmes victimes de violences conjugales.. .

2. Pourquoi une formation sur le Code des femmes et de la famille ?
La rédaction du Code des personnes et de la famille est intervenue dans un contexte socio-politique particulier: la révolution démocratique et populaire. Les rédacteurs du Code étaient animés par le souci de doter le Burkina Faso d'un instrument juridique unique en vue de régler les litiges familiaux dans le respect de l'égalité des droits entre les sexes.

Avant son entrée en vigueur, les femmes et les enfants étaient particulièrement brimés par les coutumes. Le Code avait pour ambition de revaloriser le statut juridique des femmes et des enfants par la reconnaissance de leurs droits. Ce Code qui a été adopté en août 1990 est révolutionnaire par le contenu des droits et obligations reconnus aux hommes, aux femmes et aux enfants, par le mode de règlement des litiges par la justice en lieu et place des coutumes, par la reconnaissance de la pleine et entière responsabilité juridique des femmes et des enfants, par le respect des principes de justice, d'équité et de non discrimination dans le traitement et les règlements des conflits familiaux.

Toutefois, notre Code malgré ses nombreuses avancées présentent encore des insuffisances par rapport à l'écrasante domination des hommes à travers l'affirmation du patriarcat, à la reconnaissance de la polygamie forme légale de mariage,à  l'absence de loi en matière de harcèlement sexuel et du viol conjugal...


Il nous a paru essentiel de former les femmes leaders sur cet important document juridique qui régule la vie sociale au Burkina Faso. Le respect effectif des droits reconnus aux femmes et aux enfants par le Code peut contribuer durablement à l'amélioration des conditions de vie des ménages. Il était de notre devoir d'aider les femmes leaders à renforcer leurs compétences sur les questions relatives aux droits des personnes et de la famille.

3. Quels sont les droits contenus dans le Code des personnes et de la famille ?
Le Code des personnes et de la famille reconnaît plusieurs droits aux personnes et aux familles vivant au Burkina Faso :
  •  Les droits liés au mariage et au divorce
    •   Les droits liés à la filiation et à la nationalité
    •   Les droits liés à la succession 
    • Les voies de recours et saisine de la justice
      Pour l’ensemble de tous ces droits, le Code fixe les modalités et les conditions de jouissance. Les femmes leaders sont pour la plupart confrontées dans leurs familles, entourages et dans leurs communautés aux conflits qui opposent les femmes à leurs maris, les enfants à leurs parents…
      Formation des femmes sur le Mariage (G1)

      De par leur statut et rôle dans la communauté, les femmes leaders sont amenées à conseiller, orienter et guider les couples vers la résolution des problèmes familiaux ou conjugaux. Il était important pour les responsables du projet de soutenir une telle initiative pour permettre aux populations défavorisées d'accéder à leurs droits et devoirs.

      Les premiers résultats du micro projet sont encourageants : une dizaine de femmes ont pu régulariser leurs situations matrimoniales en procédant à la célébration de leurs mariages civils, une centaine d’enfants défavorisés ont pu bénéficier de l’établissement de jugements supplétifs d’actes de naissance. Il est important de savoir que de nombreux  enfants de cette région ne sont pas enregistrés à la naissance. Faute d'actes de naissance, les filles sont mariées de façon précoce en raison de la spéculation sur leur âge. Quant aux jeunes garçons, ils sont victimes de trafic et d’exploitation dans les sites aurifères et les champs agricoles. Les femmes qui ne sont pas légalement mariées sont spoliées des biens de leurs maris. Les biens du défunt sont confisqués par ses parents privant ainsi les veuves et orphelins de l'héritage du défunt.
      Formation des femmes sur la Filiation (G2)

      Pour améliorer le bien-être des femmes et des enfants, ce micro projet apporte à la communauté toute entière les informations et les connaissances pratiques sur les droits de ces personnes défavorisées et exploitées. Les formations se sont déroulées en langue nationale Mooré afin de s'assurer que tous les concepts complexes sont bien maîtrisés. Des travaux pratiques ont été initiés pour permettre aux femmes de s'exercer aux séances de restitution.

      Les dix femmes leaders se sont par la suite divisées en trois équipes de formation pour restituer à quarante-cinq (45) autres femmes les connaissances et compétences acquises. Tous les thèmes développés pendant l'atelier de février 2010 ont été restitués aux nouvelles bénéficiaires. Chacune des participantes a partagé sous forme de causeries éducatives les bénéfices de sa formation aux membres de sa famille, de son association et de sa communauté.
      Formation des Femmes sur la Succession (G3)

      Le 12 décembre 2010, l'évaluation finale participative du micro projet a révélé la pertinence des thèmes abordés et la motivation des femmes à connaître leurs droits et devoirs dans la famille. Nous avons enregistrés des témoignages qui nous ont confortés dans la stratégie suivie sur le terrain. 

      Mme Diallo Awa, une bénéficiaire du micro projet a obtenu la réparation d'un acte d'injustice à son égard à la suite du décès de son mari. Sa belle-famille l'avait exclue dans la répartition des biens de son mari. Grâce aux informations qu'elle a reçues à la formation sur les droits successoraux, elle a exigé et obtenu réparation du préjudice subi.


       D'autres femmes nous ont expliqué que les formations qu'elles ont reçues leur ont permis de mieux sensibiliser leurs maris sur l'importance du mariage civil dans la vie du couple. Elles nous ont demandé d'étendre les bénéficiaires directs des formations aux hommes en ciblant les leaders religieux et coutumiers dans la sensibilisation des communautés.

      Dans le cas du couple Diallo, le partage de l'héritage s'est fait selon les prescriptions de la religion pratiquée par la famille. Selon la loi islamique, ce sont uniquement les parents et les enfants du défunt qui héritent de ses biens alors que le Code des personnes et de la famille réserve un quart des biens à la femme et les trois quarts à ses enfants.

      10 mai 2011

      Radioscopie des violences faites aux femmes au Burkina Faso


      Selon la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes, la violence contre les femmes est toute forme de pression physique ou morale qu’une personne exerce sur une femme en vue d’obtenir son consentement.

      La violence à l’encontre des femmes et des filles demeure la violation des droits humains la plus répandue à l’échelle de la planète. Partout elle menace la dignité, la santé et la vie des femmes, quelle que soit leur nationalité, leur âge et leur condition sociale. La violence contre les femmes est le fruit d’un système fondé sur les rapports de force inégaux entre les hommes et les femmes. Cette violence apparaît comme la manifestation la plus extrême des discriminations qui perdurent à l’endroit des femmes et des filles1.

      [1. Anders B. Johnsson, SG de l’Union interparlementaire, Discours inaugural de la Conférence des Présidents et membres parlementaires sur « l’égalité des sexes : une réponse parlementaire à la violence contre les femmes », 24 déc. 2008, Genève, Suisse.]

      Au Burkina Faso, les violences faites aux femmes représentent un sujet de préoccupation majeure voire une urgence nationale au regard de leur impact sur la vie psycho-sociale des femmes. Les violences contre les femmes constituent le reflet des stéréotypes et préjugés  entretenus et véhiculés par les systèmes sociaux basés sur le patriarcat et la suprématie du mâle. La majorité des femmes burkinabè sont confinées dans un système de domination où le poids des traditions, des coutumes et la mauvaise interprétation des religions entrainent en elles une grande marginalisation et leur relégation au second plan de l’échelle sociale2.
      [2. Oxfam Québec, « La lutte contre les violences faites aux femmes : témoignages de l’Afrique de l’ouest », Université féminines d’été, Juin 2009.]

      La non représentation des femmes burkinabè dans les sphères de décision accentue les violences perpétrées à leur endroit. Les violences sexistes sont omniprésentes à tous les niveaux de l’échelle sociale. Les études réalisées sur le sujet révèlent des formes multiples présentes à tous les cycles de la vie de la femme. Elles commencent dès la conception par la sélection sexuelle prénatale et plus tard, par l’avortement, l’abandon, l’infanticide et les sévices dont sont victimes les enfants de sexe féminin. Les violences faites aux femmes trouvent leur fondement dans les rapports inégalitaires et les traitements discriminatoires véhiculés et entretenus par les coutumes et les traditions. La plupart des sociétés traditionnelles de notre pays sont des sociétés patrilinéaires qui accordent très peu d’importance au statut et au rôle de la femme.

      I. Typologies et Manifestations des violences faites aux femmes
      1) Les violences physiques
      a)  Les coups et blessures volontaires
      Les coups et blessures volontaires constituent les formes de violences physiques les plus courantes dans notre pays. Les plaintes enregistrées dans les commissariats de police et les postes de gendarmerie concernent les violences ayant trait au corps de la femme. Ces plaintes portent sur les cas de ligotage,  de séquestration, d’arrachage de cheveux, de bastonnade, de brimade, de gifle, de coups de pieds, coups de fouets avec des barbelés de fer ou de lanières…

      b)  Les vindictes et lynchages des vieilles accusées de sorcellerie 
      Une scène d'exclusion sociale
      L'exclusion sociale des femmes accusées de sorcellerie est une atteinte à l'intégrité physique et morale des femmes. C'est exclusion conduit à la mort sociale et physique des victimes.
      Beaucoup de femmes sont mortes dans l’anonymat loin des siens. Le phénomène est particulièrement répandue dans les régions du Nord, du Centre-nord, du Centre-sud, du Plateau central et du Sud-ouest. Les femmes communément appelées « mangeuses d’âmes » sont discriminées, violentées et marginalisées. 13% des femmes âgées de notre pays sont accusées de sorcellerie. Plus de sept cent (700) femmes victimes de l’exclusion sociale vivent dans les centres d’accueil de Tanghin, Paspanga et Tema-Bokin.
      2)  Les violences morales
      a)  Les violences verbales
      Les femmes burkinabè sont quotidiennement le lot de plusieurs violences verbales au sein du foyer, de la famille, de la communauté, des services etc. Elles sont victimes de chantages, de menaces, de dénigrements, d’intimidations et plus graves encore elles subissent des injures méprisantes, des propos orduriers des membres de leur belle-famille, des employés de service…

      b)  Les attitudes humiliantes
      Au sein du foyer, la femme subit de la part de son partenaire et/ou des autres membres de sa belle-famille, des attitudes méprisantes à son égard : mutisme, déficit de communication,  abandon du foyer conjugal, adultère, inceste... On constate également le manque d’affection  et de respect à l’égard de la femme lorsqu’elle est en grossesse.

      c)   Les pratiques traditionnelles néfastes
      Les pratiques traditionnelles consacrant les normes sociales sont préjudiciables aux femmes et aux filles. Elles jettent les bases des rapports inégalitaires et discriminatoires entre les sexes dans la société. Les pratiques coutumières comme la dot, les mariages forcés, les rites de veuvage, la répudiation des filles-mères, les tabous et interdits alimentaires, l’exclusion sociale des femmes accusées de sorcellerie, la stigmatisation des femmes stériles, la spoliation des veuves…sont défavorables aux femmes et aux filles. 

      Le « Siongo », rituelle organisée à la suite d’un décès dans la communauté est discriminatoire à l’égard des femmes. C’est une recherche publique de l’auteur d’une mort en procédant au transport du corps de concession en concession dans le but de désigner le ou la responsable présumée de la mort. Le ou la coupable désignée est répudié(e) du village et livré (e) à la vindicte populaire. 
       
      Un rituel du 'Gangogo'
      Le 'Gangogo' est un autre rituel qui consiste à faire boire une potion à des gens suspectés de la mort d'autrui dans la communauté. La prise de cette décoction provoque des vomissements et des délires sur lesquels les anciens s'appuient pour vous expulser de la communauté. Ces rituels sont répandus dans les villages du Plateau central. Le 'Siongo' ou le 'Gangogo' désigne rarement des hommes  dans la communauté. Les femmes âgées, les femmes marginalisées ou sans défense sont les plus grandes victimes de l'exclusion sociale en pays mossi.                              

      3) Les violences sexuelles
      a) Les viols et les abus sexuels
      Les violences sexuelles commises sur les femmes au Burkina Faso sont à la fois physiques et psychologiques. Les sévices sexuels observés sont les viols, les harcèlements et agressions sexuels, l’excision et les mutilations génitales. Les foyers de la pratique de l’excision sont les régions du Centre, du Centre-Nord, du Centre-Sud, du Centre-Ouest, du Nord, des Hauts-Bassins, du Plateau central, de l’Est et du Centre-Est. Les mutilations génitales féminines persistent en dépit de la loi n°043/96/ADP du 13 novembre 1996 portant Code Pénal interdisant et punissant à de lourdes peines et amendes de telles pratiques. On assiste de nos jours à une pratique transfrontalière de l’excision pour échapper à la répression pénale.

      b) L’exploitation sexuelle des femmes
      Les autres formes de violences sexuelles sont les cas de prostitution, de pornographie et de proxénétisme.
      4)      Les violences économiques 
      Dans de nombreuses familles, les femmes n’ont pas le droit d’hériter des biens de leur mari à son décès. D’autres se voient refuser le droit d’exercer des activités génératrices de revenus. La plupart des femmes n’ont pas accès à la terre et aux moyens de production. Dans certaines communautés, les biens appartement à la femme sont systématiques confisquées ou détruites…

      5)      Les violences sociales
      La victimisation des femmes sont perceptibles à travers les répudiations des filles-mères,  les bannissements des filles enceintes, les gavages des filles, les rites de veuvage, les interdits et tabous alimentaires, les mariages forcés et précoces, les exclusions sociales des femmes accusées de sorcellerie, les stigmatisations des femmes stériles et des femmes vivantes avec le VIH-SIDA….

      II. Les Causes des violences faites aux femmes
      1) Les causes politiques
      a)  L’impunité
      Les auteurs des violences faites aux femmes jouissent d’une impunité du fait de la non existence de texte (voir cas du viol conjugal et du harcèlement sexuel) ou du non respect des textes et lois existants.

      b)  La sous-représentativité des femmes dans les sphères de décision
      Comme elles sont le plus souvent absentes des sphères où se décident leur sort, les femmes subissent les injustices décidées par les hommes dans la société. Le rôle politique de la femme est relégué au second rang tout comme l’atteste son statut social inférieur. Peu de femmes occupent des postes de responsabilité dans l’administration burkinabè.

      2) Les Causes sociales et culturelles
      a)  Les préjugés et les stéréotypes sur les femmes
      En milieu traditionnel mossi par exemple, la femme est considérée comme une mineure à vie sous tutelle perpétuelle du père et plus tard du mari. Elle est considérée dans beaucoup de familles comme une chose, voire une propriété du mari. Aussi bien dans sa famille d’origine que dans sa famille d’accueil, la femme est traitée comme une étrangère sans droits et sans égards particuliers. A la naissance d’un enfant de sexe féminin, on annonce à l’heureux papa qu’il vient d’avoir une « étrangère ». Le cérémonial est tout différent quand il s’agit d’un mâle. On annonce avec fierté au père que sa femme vient de mettre au monde un « guerrier ». Selon la coutume moaga, on jette à l’arrière cour de la belle-famille une poule pour leur signifier que leur fille vient d’accoucher d’une fille. Si par contre, l’enfant est un garçon, on envoie un émissaire remettre un coq dodu au beau-père. De telles pratiques indiquent clairement la préférence des mossi pour l’enfant de sexe masculin.

      b) Les pesanteurs socioculturelles défavorables
      Les mariages forcés et précoces, le lévirat, le sororat, la polygamie, la dot, l’excision, les rites de veuvage…sont des pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes encore en vigueur dans les sociétés traditionnelles. Ces coutumes et traditions séculaires sont autant de pesanteurs qui empêchent le plein épanouissement des femmes et handicapent leur participation au développement socio-économique de notre pays. La nature de la femme, entendez par là, l’ensemble des traits qui définissent la personnalité physique ou morale de la femme, semble dicter sa condition sociale. Être femme revient à subir toutes les souffrances et humiliations au nom de la suprématie des hommes. Ce règne sans partage sur la gente féminine est sans conteste à l’origine des violences et discriminations à l’égard des femmes.

      c) Le poids des religions et des croyances
      Certaines formes de violences faites aux femmes dans notre pays sont inspirées des religions qu’elles soient monothéistes ou animistes. Dans certains milieux islamistes, l’excision réduirait le plaisir charnel de la femme et lui éviterait la fornication et le vagabondage sexuel. Voilà un des justificatifs de la pratique de l’excision des fillettes. Il semblerait que le Prophète Muhammad (SAW) aurait demandé à ses ouailles de réduire le plaisir charnel de la femme sans pour autant indiquer par quel moyen. La trouvaille fut le recours à l’excision. Nulle part dans les écritures saintes, le recours à l’excision ait été explicitement recommandé. D’ailleurs dans beaucoup de pays arabes, l’excision n’est pas pratiquée. A mon sens, la problématique de l’excision réside dans la volonté de l’homme de jouir du plaisir sexuel sans en donner à la femme d’où le refus de reconnaître la jouissance des droits sexuels à la femme.

      d) L’éducation sociale des femmes
      Les femmes ont hérité dans la plupart de nos familles d’une forme d’éducation qui les conditionne à accepter leur rôle et statut dans la société. Cette éducation entretenue par l’homme conduit à une victimisation de la femme. Certaines femmes, par pudeur, refusent d’exposer leur vie privée en public, et acceptent de subir en silence, leur sort dans la société. La résignation des femmes   est un obstacle à leur émancipation sociale et fait d’elles des proies faciles pour l’homme.

      d)    L’ignorance des droits des femmes
      Les droits des femmes sont largement méconnus des populations. Les femmes elles-mêmes ignorent leurs droits. Le fort taux d’analphabétisme dans notre pays (80% de la population3) est un facteur limitatif de la diffusion des droits humains auprès des populations.
      [3. Recensement Général de la Population et de l’Habitat 2006, Institut National de la Statistique et de la Démographie, http://www.insd.bf/fr/]

      Ceux qui commettent des actes de violence contre les femmes dans le cadre familial sont généralement les époux, les parents des époux, les membres de sa famille (frères, sœurs, oncles, tantes, cousins, neveux…). Hors du foyer, les femmes font également l’objet d’actes de violence dans les lieux de travail par l’action du patron ou des autres travailleurs.

      III. Les Conséquences des violences faites aux femmes
      1) Les Conséquences médicales des violences sexuelles
      a) Déchirure de l’appareil génital
      Les femmes et les filles qui sont victimes de viol peuvent avoir des déchirures au niveau de l’appareil génital à la suite des violences sexuelles comme le viol et les autres agressions sexuelles.

      b) Risque d’hémorragie
      L’excision des filles provoque des souffrances physiques atroces, des hémorragies internes ou/et externes pouvant entrainer une stérilité partielle ou définitive. Une trop grande perte de sang peut causer la mort de la victime.

      c) Problèmes gynécologiques
      Les mutilations sexuelles peuvent entraîner des problèmes gynécologiques tels que les infections chroniques, les trompes bouchées, les fistules obstétricales.

      e)   Grossesses non désirées
      Les viols et les abus sexuels peuvent engendrer des grossesses prématurées et non désirées se terminant le plus souvent par des avortements.

      f)    Contaminations
      Les violences sexuelles peuvent entrainer des maladies comme l’hépatite A, B, C et les IST/SIDA.

      g)   Mort
      La plupart des cas de violences sexuelles entraîne des hémorragies voire des complications souvent mortelles.

      2) Les Conséquences physiques
      a) Les fractures et pertes de membres 
      (jambes,  bras ou dents cassés, les pertes des yeux, les  arrachages de cheveux, écrasements de seins, les brûlures de la peau...)

      3) Les Conséquences psycho-sociales
      a) Les troubles psychologiques (troubles de la personnalité, de la femme)

      b) Le complexe d’infériorité (subordination, résignation, honte, confusion, perte de confiance en soi, humiliation, dévalorisation de la femme)
      c) La dislocation de la cellule familiale (avec son corollaire de prostitution, d’abandon scolaire et de délinquance pour les enfants)

      4) Les conséquences économiques
      Les violences économiques entrainent un appauvrissement de la femme. Le manque à gagner affecte l’entretien du ménage. La non participation de la femme aux activités génératrices de revenus la prive de ressources et cela accroit sa dépendance à l’homme.
      Les violences faites aux femmes ont un coût financier énorme. Les réparations des séquelles de l’excision, des traumatismes du viol ou les soins des coups et blessures volontaires sont financièrement importantes pour les victimes. La prise en charge des femmes excisées est gratuite mais les consultations et les frais médicaux sont à la charge des victimes. Les traitements des cas de violences sexuelles exigent des examens de laboratoire et des interventions chirurgicales en cas de fistules vésico-vaginales ou recto-vaginales. Les coûts des consultations et des traitements des chocs psycho-physiques ont un impact sur les budgets familiaux4
      4. (Etude approfondie de toutes les formes de violence à l’égard des femmes, Direction des Affaires Juridiques du Ministère de la Promotion de la Femme, Burkina Faso, P.4)

      IV. Les stratégies de prévention des violences faites aux femmes au Burkina Faso

      1)     Le cadre législatif et juridique
      Sur le plan législatif et juridique, les violences fondées sur le genre font l’objet d’une répression par les lois. Les Codes civil et pénal punissent à de lourdes peines et amendes les auteurs d’actes de violences sur autrui.

      Le Code civil : l’Art.1382 condamne l’auteur de violences au paiement de dommages et intérêts.

      Le Code des Personnes et de la Famille : l’Art. 367 prononce la séparation de corps ou le divorce à la demande de la victime lorsque les violences sont graves et répétées et rendent intolérable le maintien du foyer conjugal.


       
      Le CP : les Art. 327 à 422 condamnent les auteurs des violences faites aux femmes et aux enfants.
       
      • 318 à 326 sur le meurtre et l’assassinat

      • 327 à 330 sur les coups et blessures volontaires
      • 376 sur le mariage forcé
      • Sur la bigamie
      • 378 sur le versement de la dot
      •  380 à 382 sur les mutilations génitales féminines
      • 383 à 390 sur l’avortement
      • 406 à 409 sur l’abandon de la famille
      •  408 sur l’adultère
      •   411 sur l’attentat à la pudeur
      • 417 sur le viol
      • 421 sur l’inceste
      •  422 sur le proxénétisme
      En dépit de l’existence des textes réprimant les violences faites aux femmes et aux enfants, les violences sexistes persistent toujours dans notre pays. Ce qui fait dire aux spécialistes du droit que la loi ne suffit pas pour faire cesser les violations des droits humains. Il faudrait donc recourir à d’autres approches.

      L’Approche basée sur les droits
      1)      L’éducation aux droits humains
      La lutte contre les violences faites aux femmes s’organisent également dans le cadre éducatif à travers la sensibilisation et la communication pour un changement de comportement (CCC). Les objectifs de cette stratégie de lutte est d’amener les hommes, les femmes et les jeunes à un changement de mentalité dans la communauté. Les responsables coutumiers, religieux, administratifs et les autres membres influents de la société sont interpellés sur leurs rôles et responsabilités dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Le drame a assez duré et il est temps maintenant de rompre le silence sur les violences sexistes.
      L’éducation aux droits humains que prône le PEDHA vise à renforcer les capacités des populations défavorisées afin qu’elles puissent défendre efficacement leurs droits dans la communauté.
      Dans le cadre  des activités du PEDHA dans notre pays, la lutte contre les violences fondées sur le genre occupe une place prépondérante. Des activités tout azimut allant de la sensibilisation au renforcement des capacités et le plaidoyer en faveur d’une protection des droits des femmes et des filles seront réalisées à travers les micro projets des activistes.

      2)   Le cadre humanitaire
      On ne peut envisager une lutte efficace contre les violences faites aux femmes sans un mécanisme opérationnel de prise en charge des victimes. Si l’éducation aux droits humains permet en amont de prévenir les violences faites aux femmes, il faudrait en aval aider ces victimes à recouvrer leurs droits et à soulager les conséquences des violences qu’elles ont subies. Vu l’ampleur de leur gravité, une prise en charge psychoaffective des victimes s’avère indispensable :
      • L’assistance psycho-médicale
      •  L’aide juridique
      • La Médiation
      • Le Soutien économique
      •  L’aide à la réinsertion sociale

      De telles actions sont salvatrices à l’égard de nos filles, épouses ou mères qui subissent chaque jour la violence masculine dans le cadre familial, communautaire ou institutionnel.