Mme Constance Sawadogo, formatrice |
Dans le cadre de la mise en œuvre des activités du Projet éducation aux droits humains en Afrique, une dizaine de femmes leaders de la région du nord bénéficient du renforcement des capacités sur les droits des personnes et de la famille.
Ce micro projet est consécutif aux échanges fructueux que nous avons eus avec les leaders féminins du nord, lors des consultations participatives du 29 août 2009. Les femmes leaders nordistes nous avaient exprimé le besoin de renforcer leurs capacités sur les droits des femmes et des enfants. Elles ont pour ambition de s’approprier les droits des personnes et de la famille afin de mieux sensibiliser les acteurs et groupes sociaux dans leurs communautés. Le micro projet que nous avons élaboré à cet effet a été financé par UKaid et Amnesty International et vise à donner aux populations défavorisées les moyens de revendiquer, par leurs propres actions, leurs droits dans la communauté.
1. Qui sont les femmes leaders de la région du nord ?
Les femmes leaders de la région du nord, regroupées au sein de la Coordination Communale des Femmes de Ouahigouya (CCFO), œuvrent inlassablement au bien-être familial à travers des activités de formation, de sensibilisation et de plaidoyer sur les droits des femmes et des enfants. La Coordination compte en son sein 141associations et groupements féminins œuvrant dans les domaines de l’éducation, de l’alphabétisation, de la santé, de l’agroalimentaire et de l’élevage ovine et bovine…
Mme Bibata Ouédraogo, Présidente de la COFO |
Présidée par Mme Bibata Ouédraogo, la Coordination Communale des Femmes de Ouahigouya compte à son actif plusieurs réalisations entrant dans la promotion et la protection des droits des femmes et des enfants comme la régularisation des régimes matrimoniaux des femmes vivant en concubinage, l’établissement des pièces d’état civil au profit des enfants défavorisés, l’appui conseil aux femmes victimes de violences conjugales.. .
2. Pourquoi une formation sur le Code des femmes et de la famille ?
La rédaction du Code des personnes et de la famille est intervenue dans un contexte socio-politique particulier: la révolution démocratique et populaire. Les rédacteurs du Code étaient animés par le souci de doter le Burkina Faso d'un instrument juridique unique en vue de régler les litiges familiaux dans le respect de l'égalité des droits entre les sexes.
Avant son entrée en vigueur, les femmes et les enfants étaient particulièrement brimés par les coutumes. Le Code avait pour ambition de revaloriser le statut juridique des femmes et des enfants par la reconnaissance de leurs droits. Ce Code qui a été adopté en août 1990 est révolutionnaire par le contenu des droits et obligations reconnus aux hommes, aux femmes et aux enfants, par le mode de règlement des litiges par la justice en lieu et place des coutumes, par la reconnaissance de la pleine et entière responsabilité juridique des femmes et des enfants, par le respect des principes de justice, d'équité et de non discrimination dans le traitement et les règlements des conflits familiaux.
Toutefois, notre Code malgré ses nombreuses avancées présentent encore des insuffisances par rapport à l'écrasante domination des hommes à travers l'affirmation du patriarcat, à la reconnaissance de la polygamie forme légale de mariage,à l'absence de loi en matière de harcèlement sexuel et du viol conjugal...
Il nous a paru essentiel de former les femmes leaders sur cet important document juridique qui régule la vie sociale au Burkina Faso. Le respect effectif des droits reconnus aux femmes et aux enfants par le Code peut contribuer durablement à l'amélioration des conditions de vie des ménages. Il était de notre devoir d'aider les femmes leaders à renforcer leurs compétences sur les questions relatives aux droits des personnes et de la famille.
3. Quels sont les droits contenus dans le Code des personnes et de la famille ?
Le Code des personnes et de la famille reconnaît plusieurs droits aux personnes et aux familles vivant au Burkina Faso :
- Les droits liés au mariage et au divorce
- Les droits liés à la filiation et à la nationalité
- Les droits liés à la succession
- Les voies de recours et saisine de la justice
Pour l’ensemble de tous ces droits, le Code fixe les modalités et les conditions de jouissance. Les femmes leaders sont pour la plupart confrontées dans leurs familles, entourages et dans leurs communautés aux conflits qui opposent les femmes à leurs maris, les enfants à leurs parents…
Formation des femmes sur le Mariage (G1) |
De par leur statut et rôle dans la communauté, les femmes leaders sont amenées à conseiller, orienter et guider les couples vers la résolution des problèmes familiaux ou conjugaux. Il était important pour les responsables du projet de soutenir une telle initiative pour permettre aux populations défavorisées d'accéder à leurs droits et devoirs.
Les premiers résultats du micro projet sont encourageants : une dizaine de femmes ont pu régulariser leurs situations matrimoniales en procédant à la célébration de leurs mariages civils, une centaine d’enfants défavorisés ont pu bénéficier de l’établissement de jugements supplétifs d’actes de naissance. Il est important de savoir que de nombreux enfants de cette région ne sont pas enregistrés à la naissance. Faute d'actes de naissance, les filles sont mariées de façon précoce en raison de la spéculation sur leur âge. Quant aux jeunes garçons, ils sont victimes de trafic et d’exploitation dans les sites aurifères et les champs agricoles. Les femmes qui ne sont pas légalement mariées sont spoliées des biens de leurs maris. Les biens du défunt sont confisqués par ses parents privant ainsi les veuves et orphelins de l'héritage du défunt.
Formation des femmes sur la Filiation (G2) |
Les dix femmes leaders se sont par la suite divisées en trois équipes de formation pour restituer à quarante-cinq (45) autres femmes les connaissances et compétences acquises. Tous les thèmes développés pendant l'atelier de février 2010 ont été restitués aux nouvelles bénéficiaires. Chacune des participantes a partagé sous forme de causeries éducatives les bénéfices de sa formation aux membres de sa famille, de son association et de sa communauté.
Formation des Femmes sur la Succession (G3) |
Le 12 décembre 2010, l'évaluation finale participative du micro projet a révélé la pertinence des thèmes abordés et la motivation des femmes à connaître leurs droits et devoirs dans la famille. Nous avons enregistrés des témoignages qui nous ont confortés dans la stratégie suivie sur le terrain.
Mme Diallo Awa, une bénéficiaire du micro projet a obtenu la réparation d'un acte d'injustice à son égard à la suite du décès de son mari. Sa belle-famille l'avait exclue dans la répartition des biens de son mari. Grâce aux informations qu'elle a reçues à la formation sur les droits successoraux, elle a exigé et obtenu réparation du préjudice subi.
D'autres femmes nous ont expliqué que les formations qu'elles ont reçues leur ont permis de mieux sensibiliser leurs maris sur l'importance du mariage civil dans la vie du couple. Elles nous ont demandé d'étendre les bénéficiaires directs des formations aux hommes en ciblant les leaders religieux et coutumiers dans la sensibilisation des communautés.
Dans le cas du couple Diallo, le partage de l'héritage s'est fait selon les prescriptions de la religion pratiquée par la famille. Selon la loi islamique, ce sont uniquement les parents et les enfants du défunt qui héritent de ses biens alors que le Code des personnes et de la famille réserve un quart des biens à la femme et les trois quarts à ses enfants.
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