25 mai 2011

Droits successoraux des veuves et orphelins: Anaic sensibilise les populations du Loroum et du Bam

A la faveur de la mise en œuvre du Projet éducation aux droits humains en Afrique au Burkina Faso, les populations des provinces du Loroum et du Bam bénéficient, depuis janvier 2010, d'un micro projet de promotion des droits successoraux des veuves et orphelins. Les communautés vivant dans les villages de Syllia, Rounga, Toessin et Lourfa dans les communes urbaines et rurales de Titao et de Rollo en sont les principaux bénéficiaires.
Consultation des groupes cibles à Titao

Le 18 août 2009, les groupes cibles que nous avons consultés, ont identifié les violations des droits successoraux des veuves et orphelins comme étant les problèmes clés de droits humains auxquels sont confrontés les femmes et les enfants dans la plupart des familles. Parmi les solutions envisagées pour venir à bout de ce problème,  les sondé-es ont souhaité que le Projet éducation aux droits humains en Afrique procède à la vulgarisation des droits des veuves et orphelins dans les communautés ciblées.

Les problèmes de succession, faut-il rappeler, sont légion dans la zone du nord. Les femmes et les enfants sont brimés dans la répartition de l'héritage au profit des membres de la famille du défunt. En règle générale, c'est la loi islamique qui sert de référence dans le partage des biens. Elle stipule que 130 jours après le décès d'un homme, ses biens sont redistribués aux membres de sa famille. Les parents et les enfants du défunt se partagent les 7/8 des biens de la façon suivante: les 7/8 des biens sont divisés en quatre parts égales. Les enfants se partagent les 3/4 des biens et le 1/4 restant revient aux parents (père et mère) du défunt. Il faut noter que parmi les enfants, la part réservée aux garçons est le double de celles filles. Les filles sont ainsi discriminées car considérées comme des étrangères. Un jour ou l'autre, elles seront amenées à rejoindre la famille de leurs maris. Les jeunes garçons restent dans la famille de leur père et bénéficient à ce titre d'un traitement préférentiel dans la répartition de l'héritage.

Dans d'autres familles, c'est la loi coutumière qui est appliquée: les enfants héritent des biens de leur père et les parents des biens de leur fils. Selon les coutumes, la femme n'a pas le droit d'hériter des biens de son mari tout comme l'homme ne peut hériter des biens de sa femme.  Au décès de la femme, ses enfants sont priés de retirer de l'héritage tous les biens appartenant à leur mère. Les biens appartenant à la défunte sont ramenés à sa famille par ses tantes et ses sœurs.

Selon la coutume dans ces localités, trois mois après le décès, la famille se réunit pour faire l'inventaire des biens et dettes laissés par le défunt. Cet inventaire est réalisé par les cousins du défunt. Tout ce qui appartient au défunt est recensé (cheptel, argent, habits, femmes, enfants, dettes, vélo, champ....). Les petits frères et les parents du défunt se partagent les biens, les dettes, les femmes et enfants. Les enfants se partagent les biens les plus importants de leur défunt père (les garçons ont droit à 2/3 des biens et 1/3 revient aux filles).

Depuis l'adoption du Code des personnes et de la famille, les coutumes ne sont plus habilitées à régler les problèmes de succession. C'est la justice qui traite des cas de litiges et conflits de succession sur la base du Code (Cf Article 1066 du Code). 
Séance d'IEC/CC sur les droits successoraux à Toessin

Les veuves et les orphelins sont discriminés voire spoliés car les familles continuent de régler les litiges nés des successions aidées en cela par l'absence des pièces attestant du statut d'ayant-droits légitimes pour succéder au défunt. Dans la plupart des familles, les couples ne sont pas légalement mariés, les enfants ne sont pas enregistrés à la naissance, les biens ne sont pas certifiés par des actes administratifs. En cas de décès du père de famille, la justice ne peut être saisie. Les veuves et les orphelins assistent impuissants à la spoliation des biens par la famille du défunt. 

Pour jouir des droits successoraux, il faut impérativement que le conjoint survivant (CS) soit légalement marié. Si la femme et l'homme ne sont pas légalement mariés, en cas de décès de l'un des deux conjoints, l'autre ne peut en aucun cas prétendre à sa succession. Quant aux enfants, il faut que la preuve de leur filiation au défunt soit établi par un acte de naissance.

Pour réduire les tensions entre les familles relatives aux conflits de succession dans les villages de la zone de Titao et de Rollo, Anaic a entrepris, avec le soutien d'Amnesty International, à travers le Projet éducation aux droits humains en Afrique, de mener des séances d'information, d'éducation, de communication en droits humains afin d'accroître le niveau de connaissance et de compréhension des populations sur les droits des veuves et orphelins. 
Le Président d'Anaic expliquant les droits successoraux à Lourfa

Eu égard à la sensibilité des populations en raison des pesanteurs sociales et culturelles, Anaic a commencé par la formation des autorités administratives et politiques, des leaders coutumiers et religieux, des  responsables des associations féminines et organisations de jeunes. 56 personnes ont ainsi renforcé leurs capacités sur les droits successoraux des veuves et orphelins. Plus de 22 séances d'IEC/CC ont été réalisées parfois au-delà des quatre localités ciblées pour atteindre le maximum de personnes. Au total, ce sont plus de 5973 personnes qui ont ainsi été informées et sensibilisées sur les droits successoraux des veuves et orphelins.

Étant donné le lien très étroit entre la jouissance des droits successoraux et la possession des actes de l'état civil (acte de naissance, certificat de mariage, certificat de décès, certificat de propriété...) les populations ont compris l'importance de ces pièces d'état civil et elles se sont inscrites lors de l'opération d'établissement des cartes nationales d'identité à Toessin et à Lourfa. 

Mariage de 11 couples à Ouindigui
Plus de 400 personnes se sont vu délivrer des cartes nationales d'identité à Toessin et à Lourfa. 11 couples ont pu régulariser leurs situations matrimoniales en procédant à la célébration de leur mariages à la Mairie de Ouindigui le 19 juin 2010.

Grâce à la mise en œuvre du micro projet, ce sont plus de 6029 personnes qui ont renforcé leurs connaissances et compétences sur les droits des veuves et orphelins et acquis des informations utiles qui vont les aider à lutter contre les injustices, les violences et les discriminations à l'égard des femmes et des enfants en matière de succession. Anaic a tenu le pari de sensibiliser les populations sur leurs droits successoraux en dépit de fortes résistances des dignitaires religieux de la localité. Certains parmi eux, commencent à appliquer les dispositions du Code des personnes et de la famille en matière successorale, comme les deux imams de Rounga et Toessin.

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